Les Sénégalais ont-il accès à une eau de qualité en quantité suffisante ? Cette question en apparence simple soulève pourtant d’autres interrogations… En effet, au-delà des propos qui font souvent l’actualité sur une pénurie d’eau chronique à Dakar, peut-on envisager avec sérénité les prochaines années ? Qu’en est-il dans nos autres villes et nos villages et dans toutes les régions du pays? Avons-nous eu la sagesse de doter le pays de banques de données complètes et fiables qui permettent de poser un vrai diagnostic et faire l’état des lieux de la situation actuelle ? Et qui dit accès à l’eau fait aussi référence à l’assainissement des eaux usées et à l’électricité pour maintenir les réservoirs, assurer le fonctionnement des réseaux et garder opérationnelles les pompes qui assurent l’exploitation des systèmes. Bref, sommes-nous aujourd’hui suffisamment outillés pour faire face aux changements climatiques qui nous menacent?
En réalité, une bonne politique de gestion de l’eau au Sénégal passera par une bonne compréhension des changements climatiques et comment ceux-ci vont affecter nos réserves ainsi que l’utilisation qu’on fera de ces réserves, non seulement pour la consommation et les usages domestiques, mais aussi pour la production agricole et les autres usages et surtout pour assurer la recharge durable des nappes d’eau souterraine et faire en sorte que le Sénégal préserve ses écosystèmes et leur diversité contre les vulnérabilités liés à ces changements.
Pour ceux qui se demandent encore si les changements climatiques vont nous impacter, disons qu’ils ont déjà commencé à se manifester chez nous de diverses manières, notamment une baisse notable de la pluviométrie dans plusieurs coins du pays, des fluctuations anormales de températures, une saison des pluies décalée et beaucoup moins longue, des réservoirs d’eau quasi asséchés par une forte évapotranspiration. De plus, La désertification gagne du terrain à chaque année et nos troupeaux transhument maintenant plus tôt et plus fréquemment à la recherche de nouveaux pâturages. Les sols, s’ils ne sont pas érodés par des tempêtes de sables vigoureuses et régulières, sont devenus plus secs et ainsi supportent mal les cultures de maraîchage. Enfin, les biseaux salés s’enfoncent progressivement à l’intérieur de nos terres. Mais en réalité ce ne sont là que quelques exemples d’un phénomène qui affecte déjà notre mode de vie et face auquel, si rien n’est fait, il faudra s’attendre à payer un lourd tribut.
Évidemment, nous avons au Sénégal accès à des données sur les précipitations, sur les niveaux des nappes souterraines, sur le suivi de la qualité des eaux souterraines et de surface, sur la consommation de l’eau par usage dominant, etc. Mais ces données sont-elles complètes, cohérentes et à jour ? Sont-elles dans un format cartographiable ou exploitable facilement ? Sommes-nous capables aujourd’hui d’élaborer des scénarios pour mieux planifier l’avenir ?
Quoi qu’il en soit, il est important de renforcer le dispositif de suivi quantitatif et qualitatif des nappes d’eau souterraine et des eaux de surface à l’échelle nationale, d’harmoniser les procédures de collecte des données dans le secteur de l’eau, d’actualiser les bases de données qui y sont présentes en veillant à standardiser les données qu’elle renferment, et enfin de tendre à moyen terme vers la mise en place d’une seule et unique base de données d’envergure corporative centralisant toutes les données liées aux ouvrages hydrauliques du Sénégal et à leur suivi, pour que tous les acteurs du secteur (Direction de l’Hydraulique, Office des forages ruraux, Direction de la Gestion et de la Planification des Ressources en Eau, etc.) puissent disposer d’un même référentiel et parler le même langage. Un travail de cette nature, combiné à une connaissance profonde de l’hydrogéologie et de l’hydrologie du pays et des approches d’évaluations environnementales reconnues, baliserait la voie pour bâtir un observatoire national des ressources en eaux et lui adjoindre un géoportail ou cartographie interactive des ressources en eau souterraine et de surface au Sénégal.
En gros, on ne propose ici, rien de moins que le Sénégal se dote d’outils et de méthodes de travail qui s’inspirent de pratiques exemplaires recensées ailleurs dans le monde pour mieux comprendre les changements climatiques et s’assurer que le Sénégal est bien préparé pour s’attaquer aux défis que pose ce phénomène, non seulement aujourd’hui, mais aussi demain et après-demain.
J-P P. & O-H K.