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L’effondrement de la « galaxie W » a sonné le glas du règne de « Maa Tèy – Wakh Wakhèt » emblématique d’une gouvernance délinquante portée à la fois par une myopie des enjeux socio-économiques du pays et une presbytie du développement de la nation.

Si le miracle de la première alternance politique a été de rendre les sénégalais totalement sceptiques et méfiants des pouvoirs publics et des institutions de leur pays, le défi ultime de la seconde sera de déchirer ce rideau de méfiance et de restaurer la confiance perdue afin de rallier notre peuple autour d’un idéal commun et de le mobiliser derrière la pléthore d’urgences auxquelles notre nation est confrontées.

Avec l’arrivée de nouvelles autorités au pouvoir, l’heure de la rupture a sonné. Le Président Sall semble en être bien conscient quoi qu’on en dise…, car son engagement à opérer cette rupture que le peuple sénégalais appelle de tous ses vœux est mené actuellement sur plusieurs fronts. Rupture d’abord dans l’absence ou « l’inaction-nement » d’édits et d’organes de contrôle de la gestion des deniers publics (Ige, Cour des comptes, Crei, Ofnac, etc.). Rupture ensuite par rapport à une politique économique incitative et créatrice de chômage. Rupture également avec une logique politicienne de décentralisation de l’offre de services publics. Rupture dans le déficit d’empathie envers la souffrance des populations et dans le manque d’écoute à leurs égards. Rupture surtout dans l’absence de sobriété et d’éthique au sommet de l’état. Rupture dans la hausse vertigineuse des dépenses fonctionnelles de l’administration. Rupture nette avec l’extravagance, l’excentricité, la fanfaronnade, la prétention, l’arrogance, la mégalomanie, la gestion patrimoniale et clanique du pouvoir, et l’absence de moralisation du discours public. Rupture radicale avec la culture de l’impunité et une justice édentée, complaisante, marionnette entièrement acquise à la solde du maître de céans. Rupture encore avec un parlement bicaméral monocolore, dysfonctionnel, corrompu et champion de lois scélérates et vindicatives. Rupture enfin avec le non respect de la parole donnée. Et j’en passe…

Alors, pourquoi malgré ces efforts indéniables et la volonté agissante du Chef de l’État d’impulser une dynamique de changement, entend-t-on répéter partout qu’il n’y a pas de rupture et que le pays va mal? Les actions du Président et de son gouvernement seraient-elles si mal comprises? Pourquoi cela? Serait-ce le fait d’adversaires  qui s’emploient énergiquement à noyer son message dans la cacophonie générale qu’est devenu le débat politique dans notre pays? Ou est-ce simplement une communication présidentielle/gouvernementale qui fait peu ou pas d’effets? Sinon, comment expliquer l’incompréhension qui semble entourer la rupture « multi-front » initiée par le Président?

S’il est vrai qu’en politique la perception est plus importante que la réalité, alors il importe pour le camp présidentiel d’agir vite et de ne pas laisser la narrative d’une « non-rupture » s’installer, car lorsqu’elle prendra racine, elle nourrira la méfiance invétérée des populations envers les pouvoirs publics, au lieu de restaurer leur confiance dans la conduite des affaires de l’état. Ce qui menacerait sérieusement les chances de réélection du Président!

Que faire alors pour que le message du premier des Sénégalais sorte mieux et que l’action de son gouvernement ait une meilleure lisibilité/visibilité? Cette question est décidemment à la fois lancinante et taraudante… Cependant, après  analyse de la défunte gouvernance libérale, il ressort que dans le contexte spécifique du lourd passif que Wade nous a légué, une RUPTURE  quelle qu’elle soit, ne sera visible, comprise et embrassée par la majorité de la population que lorsqu’elle est articulée QUANTITATIVEMENT (mesurable) autour d’une plateforme à 5 piliers que je nommerai « TOPIC » : Transparence, Ouverture, Particip-action, Imputabilité et Collaboration. 

Autrement dit, au-delà de la rhétorique trébuchante sur des plateaux de radios et de télévisions, il faudra, pour améliorer la perception de rupture, lacer ces 5 piliers autour des activités de l’Exécutif et exprimer le tout de façon mesurable, ce qui rendra le processus tangible. Cela n’est possible que lorsque les acteurs de la rupture la fondent sur une maîtrise des données publiques et une reconnaissance du caractère stratégique de l’information sous toutes ses formes (données brutes, données structurées et données non structurées, données géospatiales et données attributaires, dossiers et documents divers…) ainsi que les enjeux qui entourent sa gestion dans un contexte national/mondial de foisonnement d’informations non structurées telles que les clavardages des réseaux sociaux spatialisés (géoréférencés), les échanges « géotagguées », les blogs et autres forums.

Une fois l’action gouvernementale architecturée sur une « Plateforme TOPIC », elle devra être régulièrement communiquée de façon explicite et novatrice à la population :

·   en apprivoisant de façon intelligente les meilleures pratiques à l’intersection des NTIC et des technologies géomatiques (architecture orientée services; approche géographique; web cartographique; blogs, forums, géo-tweets et autres géotaggings; diffusion et partage d’images, de vidéos et de services; appels à collaboration/idées/projets; etc.);

· et en intégrant explicitement des pratiques de gestion de l’information qui astreindront les démembrements de la haute administration à organiser les ressources informationnelles sous leur gouverne pour en faciliter la diffusion.

Fondamentalement, une « Plateforme TOPIC »…c’est quoi au juste?

TOPIC devrait être à la fois la fondation et le ciment d’une rupture profonde guidée par le désir ardent des populations de voir la chaîne de valeur de l’administration publique gouvernée par la transparence et l’ouverture des pouvoirs publics, la participation et la collaboration des citoyens dans les actions de gouvernance, et l’imputabilité de nos dirigeants.

·       Transparence et Imputabilité (T, I) : Il s’agit ici d’instaurer des mécanismes novateurs de suivi-contrôle (notification, vérification régulière et communication systématique de données/informations sur la mise en œuvre de projets/programmes), surveillance régulière (audits, signalements de transgression de lois et règlements en vigueur, rapports financiers périodiques sur l’utilisation de fonds alloués à des projets ou programmes), et communication (documentation systématique de toutes les activités de l’Etat auxquelles sont allouées des ressources financières plus ou moins importantes, conception d’un portail web d’information citoyen interactif à saveur cartographique et infographique, et permettre au public d’interagir en ligne avec ces informations –chercher, composer, calculer, afficher, visualiser, sélectionner, télécharger, etc.– et de les consommer sur des supports variés tels que des cartes, graphes, tableaux, ou globes). Par exemple, ces informations pourraient être consultées selon le type de projet initié (école, hôpital, route…), le secteur d’activité concerné (éducation, santé, agriculture, infrastructure…), le type de financement sécurisé (public, privé, partenariat public-privé, Institutions financières étrangères, Union européenne…), le montant du financement alloué, le récipiendaire du projet/programme, l’administrateur des fonds (agence nationale ou régionale, direction, commune…), l’adjudicataire du projet s’il y a lieu, et la zone d’implantation de l’activité pour apprécier par exemple la distribution  spatiale ou la disparité régionale des activités du gouvernement.

·       Ouverture (O) : On verrait ici à libéraliser l’accès à l’information et aux données sur les activités de la haute administration. En effet, la déréglementation du patrimoine informationnel commun, tant et aussi longtemps qu’elle ne compromet pas la sécurité nationale ou le droit à la vie privée, ne peut être que bénéfique à la société. À l’opposé, la rétention de données et d’informations publiques mène au mieux à une gestion opaque qui incite à commettre des malversations (abus, gaspillage, détournements, évasions fiscales, dérapages, corruption, copinage, népotisme, impunité, etc.). Au pire, elle conduit à la tyrannie du fait de l’asymétrie d’informations qui s’installe entre le Pouvoir et les populations.

·  Particip-action et Collaboration (P, C) : À cet égard, il conviendrait de rapprocher le Pouvoir des citoyens grâce aux possibilités offertes par l’Approche Géographique ( géo-technologies), les TIC (forums et communautés virtuelles autour de thèmes d’intérêt public bien choisis), la prolifération du web social (socialisation et partage de contenus), la fragmentation du web (PC, laptops, téléphones mobiles, tablettes), et l’ubiquité de la téléphonie mobile dans notre société,  afin de faire éclore une version de notre démocratie tournée vers une participation citoyenne active et une collaboration dans la gestion des affaires publiques. Le Pouvoir Exécutif serait bien avisé d’exploiter ces possibilités pour servir des intérêts collectifs et réaliser des progrès tangibles en matière de collaboration entre gouvernants et gouvernés. En effet, une interaction de cet acabit entre l’Exécutif et les populations, si elle est suivie et bien entretenue, assurera à ces derniers l’écoute des autorités et leur permettra d’exprimer leurs besoins, préoccupations, grognes, colères, ou satisfaction par rapport aux activités du gouvernement.

En clair, il faudra  explicitement articuler la rupture en cours autour des 5 piliers TOPIC, l’adosser à une stratégie qui valorise la gestion de l’information sous toutes ses formes, et la communiquer de façon novatrice, c-à-d au-delà des canaux traditionnels. Déclinée de la sorte, les actions du Président et de son gouvernement seront mieux comprises par les sénégalais-es et une meilleure communication s’établira entre l’Exécutif et les citoyens. Ce qui aidera à combattre efficacement la corruption, la prévarication, la concussion et la gabegie dans nos pratiques de gestion tout en catalysant l’avènement d’une culture de gestion publique plus saine et l’implication des citoyens dans la gestion des affaires publiques, en plus de mobiliser nos compatriotes derrière la vision du Chef de l’État et de son gouvernement et de faciliter sa réélection puisque la réussite de celui qui nous dirige sera avant tout la nôtre.

 

PS/ Cet article est extrait d’un texte intégral publié également dans ce blog en page d’accueil et titré « Nouveau Type de Gouvernance (NTG) pour un Nouveau Type de Sénégalais (NTS) ».

Paru dernièrement dans Sud Quotidien: http://www.sudonline.sn/vous-avez-dit-rupturenest-ce-pas_a_15501.html