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Les termes « SIG » (GIS[1]) et « Géomatique » (Geomatics[2]) sont apparus à la fin des années 60 au Canada[3]. Pourtant, si cette discipline, telle qu’on la connaît aujourd’hui, n’a qu’une quarantaine d’années, ses fondements remontent au milieu du 19e siècle en Europe (France et Angleterre)[4]. Étymologiquement, « géomatique » (« Géo » et « Matique ») est un vocable composite qui fait référence au croisement entre les sciences de la terre et les sciences informatiques. Bien entendu, sa portée dépasse largement le seul cadre des géosciences et embrasse toute discipline, dès lors que l’information considérée est associée à une composante spatiale.
Cette composante spatiale, c’est le préfixe « Géo » de « Géomatique ». Racine grecque qui fait référence à la terre, c-à-d l’espace terrestre ou géographique. Autrement dit, « Géo », ici, renvoie à la position sur terre telle que définie dans un espace à 2, 3, ou 4 dimensions respectivement par des coordonnées (x, y), (x, y, z), ou (x, y, z, t). « Géo » vaut donc pour un référentiel terrestre. On l’appelle composante spatiale ou géospatiale ou géographique, pour évoquer le lien avec l’espace terrestre ou géographique.
Qu’en est-il des coordonnées? Vous vous souvenez sûrement, quel que soit le profil de votre bac du secondaire, de ce fameux repère cartésien où les axes X-abscisses et Y-ordonnées (greffé parfois d’un 3e axe Z pour vous compliquer la vie…mais restons dans les 2 dimensions pour simplifier!) s’intersectent à une origine zéro. Vous y êtes? À présent, flashback au tableau noir de la classe: visualisez un ballon de foot englobant ce repère, l’origine zéro étant au centre du ballon. Les axes X et Y se croisent à cette origine et traversent la balle des quatre cotés dans les directions horizontale et verticale. Rappelez-vous, ici, que les valeurs sur ces axes sont positives sur un côté du zéro et négatives sur l’autre.
Tiens! Imaginez maintenant que ce ballon est la terre…Vous saviez déjà qu’elle est ronde, n’est-ce pas? Enfin, pas tout à fait, elle est plutôt un ellipsoïde, c-à-d un peu ovale, légèrement aplatie suivant la verticale et allongée sur les côtés suivant l’horizontale. L’axe X symbolise l’équateur tandis que l’axe Y est le méridien central. Ce dernier figure « l’origine du temps », l’heure zéro du GMT (Greenwich Meridian Time), qui se trouve être aussi l’heure de Dakar et de Londres. À partir de ce méridien central, si vous vous déplaciez vers la gauche le long de l’équateur, vous voyageriez sur des fuseaux horaires « négatifs » en direction ouest (ex. Canada); le soleil s’y lève et s’y couche plus tard qu’au Sénégal. À l’inverse, si vous alliez en sens opposé à droite, vous vous déplaceriez sur des fuseaux horaires « positifs » en direction est (ex. la Mecque), où l’heure est en avance sur celle de Dakar. Ne l’oubliez pas, nous raisonnons en 2D pour simplifier, mais visualisez en 3D, car telle est la réalité. Les 2D ne sont qu’une projection de cette réalité tridimensionnelle sur un plan, une carte, du papier.
Parfait, direz-vous, mais c’est quoi une projection? C’est… Imaginez notre ballon suspendu en l’air (exactement comme la terre). Enroulez une feuille de papier autour de lui à la verticale, puis une autre à l’horizontale. Supposons ensuite que toutes les marques extérieures du ballon (c-à-d les marques de couture séparant les carreaux noirs et blancs et ces carreaux eux-mêmes) sont calquées sur ces feuilles. À présent, retirez les feuilles, déroulez-les sur une table ou une surface plane quelconque et examinez les marques. Vous venez de réaliser une projection, de passer d’une réalité tridimensionnelle (votre ballon) à une représentation sur un plan, dite aussi bidimensionnelle. Les courbures du ballon sont aplaties sur la feuille comme si vous aviez fait une coupe verticale dans la balle et déplié ensuite son cuir sur une table. L’axe X porte maintenant les fuseaux horaires, tandis que l’axe Y figure l’équateur et ses parallèles.
Bravo! Vous venez de simplifier une réalité complexe, mais cette opération n’est pas gratuite, elle a un coût qui s’évalue en termes de distorsions (erreurs) au niveau des marques initialement courbées du ballon (courbures de la terre) qui ont été ainsi aplaties, sur les aires qu’elles dessinent, les distances mesurables et leurs directions.
Il y a naturellement plusieurs façons de simplifier cette réalité, et certaines sont plus convenables que d’autres dépendamment de l’endroit où vous êtes situés sur la planète (pôles, équateur, entre les deux) et de la manière dont chacune performe avec ces erreurs. Ces différentes méthodes pour simplifier cette réalité sont autant d’équations mathématiques complexes, qui n’ont d’intérêt que pour les « toqués » les ayant pondues… Pour nous autres, simples mortels, il ne faut pas vraiment s’en faire; ces formules trigonométriques délurées sont habilement dissimulées aux usagers de services et produits géomatiques par la magie de l’encodage numérique.
OK…c’est bien beau tout ça, mais en quoi cela est utile? Et bien, c’est utile en cela que, primo, une représentation de la terre en globe ne permet de mesurer que des angles. Pour les distances et les surfaces, il faudra repasser, aucun instrument de mesure standard ne le fera pour vous. Secundo, l’exactitude des coordonnées terrestres de votre maison ou sa position géographique (par exemple), dépend du type de projection utilisé. Et, tertio, le stockage et l’intégration d’informations géographiques multisources (l’essence même du SIG), ainsi que leur analyse et restitution ne sont possibles qu’à l’intérieur d’une même projection.
En clair, il faut projeter afin de mesurer correctement, sans quoi vous pouvez oublier les calculs d’itinéraires, la planification en logistique et en transport, la conception d’ouvrages de génie civil, etc. Sans négliger le fait que l’usage d’une projection inappropriée dans l’étude d’un territoire pourrait se solder par des conséquences fâcheuses: à partir d’une mauvaise projection, un village de la région de Matam frontalier de celle de Saint-Louis pourrait bien se retrouver dans le département de Podor – ce que les planificateurs de politiques publiques tels que nos amis de l’Agence Sénégalaise d’Électrification Rurale ne verraient pas d’un bon œil!
[3] Une autre version de l’origine de la géomatique est ici (http://www.scg.ulaval.ca/page.php?nom=geomatique), mais elle semble bien douteuse celle-là…